Pedro a dit que si sa demande d'asile n'aboutit pas, il est possible qu'il retourne aux États-Unis en juillet.
Migrations
Repartir à zéro : pourquoi certains migrants retournent aux États-Unis
16/6/23
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Plus de deux mois se sont écoulés depuis que le Canada a fermé définitivement le chemin Roxham. Malgré cette nouvelle réalité, de nombreux migrants vivent toujours dans des hôtels, non seulement à Montréal, mais aussi dans des villes de l’Ontario, province vers laquelle les migrants de Roxham ont commencé à être transférés en juillet 2022, afin d’éviter une crise au Québec.

Il n’y a pas de chiffres exacts, mais les migrants eux-mêmes ont l’impression qu’ils sont des centaines à avoir choisi, pour diverses raisons, de rentrer aux États-Unis. Les longs délais d’attente pour un premier entretien dans le processus de demande d’asile, l’absence de permis de travail, les difficultés à louer un appartement, la discrimination, les barrières linguistiques et même les attentes non satisfaites sont quelques-unes des raisons pour lesquelles ces personnes sont retournées chez notre voisin du sud.

D’autres continuent d’attendre, dans l’espoir que leur demande d’asile soit acceptée, mais ils ne savent pas combien de temps ils pourront encore attendre, car ils disent qu’ils vivent seulement de l’aide sociale, qu’ils ne veulent pas être un fardeau pour le Canada et que ce qu’ils souhaitent, c’est régulariser leur situation pour pouvoir travailler et faire leur vie au pays.

Trois mois d’attente

Après avoir vécu pendant un an au Tennessee, aux États-Unis, Juneisi Medina a décidé que la meilleure chose pour elle et ses deux enfants, c’était d’abandonner le rêve américain. Il fallait chercher un pays qui, bien que plus loin, lui permette d’obtenir plus rapidement la résidence permanente. Alors que les décorations de Noël envahissent les rues, Juneisi prend donc le bus et effectue un trajet de 17 heures pour aller à New York. Elle voyage alors seule avec ses deux enfants, et tous les trois prennent ensuite un autre bus jusqu’à Plattsburgh, avant d’arriver finalement au chemin Roxham, le 12 décembre 2022.

Sa vie de migrante a commencé bien avant cela, et, comme des milliers de Vénézuéliens qui ont choisi de quitter leur pays, cette existence compte plusieurs tentatives d’installation : au Pérou, au Mexique et aux États-Unis. « J’ai décidé d’aller au Canada parce que je voyais toujours sur les réseaux sociaux les youtubeurs expliquer les possibilités qu’offre le pays. Je me suis dit que c’était un endroit où je pouvais aller et planifier ma vie, mais je n’imaginais pas le choc que cela allait représenter d’être en stand-by pendant plus de trois mois. Et, oui, c’est vrai qu’ils vous aident financièrement, mais ce n’est pas suffisant. Je réfléchissais toujours à la manière de générer des revenus, car je ne pouvais pas travailler. Je n’avais pas de permis de travail », déclare-t-elle à La Converse depuis Nashville lors d’un entretien téléphonique.

Juneisi est mère monoparentale. Son plus jeune fils a trois ans. Pour le protéger et protéger sa famille, elle a quitté le Mexique, où elle avait réussi à se réfugier. « J’ai fui le Mexique à cause du père du bébé. J’ai déposé cinq plaintes là-bas, mais rien ne s’est passé. Les plaintes concernaient des violences domestiques. C’est pourquoi je me suis d’abord rendue à Nashville, où nous avons vécu pendant un an », explique-t-elle.

À Nashville, la situation de la famille Medina semble se stabiliser. Juneisi trouve un emploi, son fils aîné est inscrit à l’école et son fils cadet peut aller à la garderie. Malgré ce début de normalité, la mère d’origine vénézuélienne avoue avoir toujours rêvé de vivre au Canada. « J’y ai vu un pays offrant plus de possibilités que les États-Unis, en particulier pour une personne en quête de papiers, pour être honnête. Je me suis donc demandé ce que j’allais faire de l’argent que je gagnais si je n’avais pas de papiers. C’est ce qui m’a poussé à aller au Canada. »

Une fois au pays, la petite famille passe ses deux premiers jours dans les espaces que l’Agence des services frontaliers du Canada et Immigration Canada ont aménagés près du chemin Roxham. Finalement arrivés à Montréal, Juneisi et ses deux enfants sont placés dans un hôtel près de la station Berri-UQAM.

Plein d’attentes

Le quotidien de la famille vénézuélienne commence alors à se construire. Ses journées à l’hôtel étaient remplies de procédures et d’attente. Juneisi inscrit son plus jeune enfant afin de trouver une garderie subventionnée qu’elle pourrait s’offrir lorsqu’elle aurait la possibilité de travailler légalement. Elle suit d’ailleurs le même processus pour son fils aîné, qui était censé entrer en cinquième année cette année-là. Finalement, elle réussit tant bien que mal à ouvrir un compte bancaire pour être en mesure de recevoir l’aide de 1 194 $ que le gouvernement québécois lui octroie et s’achète un téléphone portable afin de pouvoir communiquer.

Juneisi Medina et son fils aîné dans le Vieux-Port de Montréal (à gauche) et la Vénézuélienne à Nashville, où elle réside actuellement. Photo: Pablo A. Ortiz

Après trois mois à l’hôtel, Juneisi est informée qu’elle doit quitter l’établissement ou se rendre dans un autre hébergement, près de l’aéroport de Montréal. Pour pouvoir quitter les lieux, elle a dû trouver un moyen de louer un appartement – ce qu’elle a finalement réussi à faire, non sans peine. « J’ai subi beaucoup de discrimination. Il fallait que je supplie les gens. Lorsqu’ils acceptaient et que je leur disais que j’avais deux enfants, ils me disaient que l’espace était trop petit, et nous parlions d’appartements de deux chambres. Finalement, je l’ai obtenu parce qu’un Mexicain m’a cédé son bail », explique-t-elle.

Tout juste trois jours avant la date limite imposée par les autorités d’Immigration Canada, Juneisi quitte l’hôtel et se rend dans son nouvel appartement. Elle n’a qu’un seul matelas, qu’elle partage avec ses deux enfants pendant les premiers jours. L’aîné commence alors à fréquenter l’école, ce qui crée une autre source d’anxiété pour Juneisi. Selon elle, son fils a  été directement placé dans une classe normale, sans passer par une classe d’accueil, de sorte qu’il a dû suivre des cours sans bien comprendre le français. Bien qu’elle ait essayé de trouver d’autres options, elle n’a rien pu changer. Son plus jeune fils, lui, est toujours resté avec elle, car Juneisi n’a pas pu obtenir de place dans une garderie subventionnée, et il lui était impossible de payer la somme de plus de 1 000 $ par mois nécessaire pour les services d’une garderie privée non subventionnée.

Le loyer de son appartement s’élevait à 1 000 $. Une fois celui-ci payé, la mère monoparentale devait diviser l’argent qui lui restait pour la nourriture et le transport. Malgré tous ses efforts pour trouver d’autres sources de revenus, l’argent qu’elle pouvait gagner ne suffisait pas. C’est pourquoi elle a finalement décidé de chercher du travail cash. Elle se retrouve alors à faire le ménage au Stade olympique, pour une entreprise qui embauche des gens et les paie 15 $ l’heure. « J’y suis allée deux fois pour faire du nettoyage. J’ai passé 12 heures à nettoyer les sièges du stade. Nous n’avions qu’une pause de 15 minutes le matin et une autre l’après-midi. Je suis partie vers 10 h du soir », raconte-t-elle.

Un autre moyen de gagner plus d’argent a été de louer l’une de ces chambres à un compatriote vénézuélien, mais lorsqu’elle a déclaré qu’elle avait un colocataire, l’aide sociale qu’elle recevait a baissé.

Le 15 avril 2022, quatre mois et trois jours après avoir emprunté le chemin Roxham, Juneisi a avec son colocataire une conversation qui va changer son destin. « Mon colocataire m’a dit ce soir-là qu’il était très difficile de trouver un emploi ici. Je lui ai d’abord dit que je ne partais pas, que je devais rester à cause de mes enfants, et il m’a répondu : “Qu’as-tu fait en quatre mois, qu’as-tu gagné, qu’as-tu fait ? Tu ne peux même pas envoyer de l’argent à ta famille, tu ne peux pas te promener avec tes enfants.” Je lui ai dit qu’il avait raison. J’ai réfléchi pendant quelques minutes et, à 22 h 30, il m’a dit : “Juneisi, nous partons aujourd’hui, veux-tu venir ?” J’ai réfléchi de nouveau et j’ai dit : “Oui, allons-y.” J’ai rapidement réglé le loyer avec une voisine qui cherchait un appartement pour son neveu. Ensuite, j’ai pris un sac à dos, j’y ai mis deux petits vêtements pour les enfants et quelques chaussures, et c’est ainsi que nous sommes partis », raconte-t-elle. Ils ont payé 300 $ pour qu’une personne les conduise à la frontière.

Juneisi, ses deux enfants et son colocataire vénézuélien sont passés aux États-Unis par une zone boisée, mais pleine de lumières. « Ce sont de très grosses lumières qui brillent trop fort. De là, nous avons marché environ 800 m. Il ne faut pas allumer son téléphone portable pour ne pas attirer l’attention. Ensuite, il suffit de marcher pour rencontrer les agents américains chargés de la surveillance des frontières. Ils nous ont demandé si nous venions du Canada et rien d’autre. Ils n’ont pas pris nos téléphones portables ou quoi que ce soit d’autre. Ensuite, le processus de prélèvement de nos données a repris, et comme tout était déjà enregistré dans le système, tout a été plus simple. »

Juneisi est donc retournée à Nashville, dans le Tennessee, où elle avait déjà une vie, des connaissances, un travail, et où ses enfants allaient à l’école. Si vivre à Nashville était plus simple, il semblait pourtant très difficile d’y obtenir des papiers. Aujourd’hui, la mère de famille travaille dans la construction, le même secteur dans lequel elle travaillait avant de quitter le Venezuela. Son fils de 11 ans entre en sixième année, et son plus jeune garçon est à la garderie. À peine un mois après son arrivée à Nashville, Juneisi a réussi à s’acheter une voiture avec l’argent qu’elle gagne dans son travail cash.

Satisfaite, mais…

Depuis les États-Unis, Juneisi s’est rendu compte que le gouvernement québécois continuait à lui verser de l’aide sociale. Elle a appelé un bureau du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale pour déclarer qu’elle n’était plus au Canada, mais sans succès jusqu’à présent. « Je ne veux pas de cet argent, mais ils n’ont pas cessé de le déposer et c’est quelque chose que je veux qu’ils corrigent maintenant », assure-t-elle.

Bien qu’elle se dise financièrement satisfaite de sa décision de rentrer aux États-Unis, la mère n’exclut pas un retour au Canada à l’avenir. « Je suis très contente sur le plan financier, mais pas du tout sur le plan psychologique. J’ai parfois des regrets et j’ai envie de rentrer », affirme-t-elle, ajoutant que l’obtention de papiers aux États-Unis est un processus lourd et coûteux. « Je ne peux pas rentrer maintenant. Je vais rendre mes enfants fous. Mais je vous parle du fond du cœur : je me dis, mon Dieu, je suis rentrée à cause de l’argent, mais, honnêtement, quand est-ce que je vais obtenir des papiers ici ? »

De nombreux Vénézuéliens

Nohemí Rentería a déclaré qu’il est possible que certains demandeurs d’asile aient trouvé le processus d’immigration au Canada très difficile et que d’autres ne semblent pas avoir vraiment l’intention de rester dans le pays. Photo: Pablo A. Ortiz

Nohemí Rentería est une leader communautaire basée à Niagara Falls. Elle vit au Canada depuis 14 ans et travaille dans son domaine – le commerce international –, mais consacre également ses temps libres à travailler dans la finance et à faire du bénévolat pour aider les migrants nouvellement arrivés, y compris les demandeurs d’asile. Grâce à l’église chrétienne qu’elle fréquente, Nohemí a eu connaissance de la situation des migrants qui sont arrivés au Canada par le chemin Roxham et ont été transférés en Ontario.

« La forte vague s’est poursuivie jusqu’en mars. Mes collègues et moi avons vu arriver de nombreux Indiens, Pakistanais, Africains, Colombiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens. Ils ont été hébergés dans des hôtels à Niagara Falls à partir de novembre 2022. Mais c’est vrai que beaucoup retournent aux États-Unis. Beaucoup l’ont fait avant même la fermeture de Roxham », explique-t-elle au téléphone à La Converse.

Selon Nohemí, les autorités ontariennes proposent actuellement de transférer les migrants qui souhaitent s’installer dans d’autres provinces du Canada. « Le mois dernier, par exemple, ils ont commencé à dire à tout le monde qu’il fallait commencer à chercher un logement. Certains sont allés à London parce que les loyers y sont moins chers, d’autres sont restés à Niagara Falls. Je connais six familles qui ont déjà déménagé, et d’autres sont allées en Colombie-Britannique et en Saskatchewan », ajoute-t-elle.

Et puis, il y a ceux qui ont décidé de rentrer aux États-Unis. « Ils m’ont dit que c’était très difficile pour eux. Aux États-Unis, on sort et on peut trouver un emploi rémunéré facilement. De plus, il y a beaucoup de gens qui parlent espagnol, alors qu’ici, beaucoup de migrants trouvent qu’il est très difficile de parler anglais. D’autres sont très affectés par leur enfermement dans des hôtels, car tout est loin. Avant, ils étaient à New York et pouvaient se déplacer plus facilement. Ici, ils sont obligés de demander de l’aide ou de marcher beaucoup. Le climat a également joué un rôle, car beaucoup sont arrivés en plein hiver », déclare Mme Rentería.

« Ils n’avaient pas l’intention de rester »

Pour la leader communautaire, de nombreux migrants n’avaient pas l’intention de rester au Canada. « Ils voulaient simplement économiser de l’argent et retourner dans leur pays ou aux États-Unis. Ils sont venus à la suite de recommandations, parce que certaines personnes embellissent les choses en disant qu’au Canada, on donne des papiers. Ce que beaucoup de gens ne voient pas, c’est que c’est un sacrifice, que cela prend du temps et, surtout, qu’il faut vraiment avoir un dossier pour demander l’asile. » Il y a également eu des cas, selon Nohemí, de personnes qui sont venues au pays, ont acheté des voitures, ont rempli leurs cartes de crédit et sont ensuite retournées aux États-Unis. « C’est malheureux, parce que, pour ces quelques cas, les migrants sont tous mis dans le même panier », déplore-t-elle.

Nohemí estime qu’il est possible que les migrants qui acceptent d’être transférés dans d’autres provinces soient ceux qui souhaitent faire leur vie au Canada. Elle reconnaît toutefois qu’une grande partie des demandeurs d’asile font de leur mieux pour rester dans le pays.

Envisager de retourner aux États-Unis

Pedro a dit que si sa demande d’asile n’aboutit pas, il est possible qu’il retourne aux États-Unis en juillet. Photo: Pablo A. Ortiz

Pedro (nous avons modifié son prénom à sa demande) est un autre Vénézuélien qui est arrivé au Canada par le chemin Roxham. Comme dans le cas de Juneisi, sa vie de migrant a commencé il y a des années et il a notamment eu pour destination le Pérou.

Plus récemment, Pedro quitte le Venezuela le 11 septembre 2022. Il fait le voyage à pied et en voiture, en commençant par la Colombie. Il traverse d’abord la jungle du Darién, dont une partie est au Panama, puis c’est le Costa Rica, le Nicaragua, le Honduras et le Guatemala, jusqu’à son arrivée au Mexique. Il laisse des centaines de dollars aux coyotes, ces passeurs qui lui garantissent l’accès aux routes irrégulières. « Parfois, même la police locale nous fait payer. Je suis venu avec de l’argent emprunté, et mon objectif a toujours été de vivre au Canada », déclare-t-il à La Converse.

Avant d’arriver aux États-Unis, Pedro se trouvait à Juárez, au Mexique, au moment où l’administration Biden a déclaré que tous les migrants irréguliers seraient renvoyés au Mexique. Là, il réussit à travailler et à récupérer une partie de l’argent qu’il avait dépensé pour son voyage.

Le 24 décembre de la même année, le jeune homme s’aventure et traverse le fleuve du Rio Grande pour entrer aux États-unis

Une fois en terre américaine, atteindre le Canada devient son premier objectif. « Je suis d’abord allé à Denver et, de là, j’ai réussi à me rendre à New York. Ce voyage a été payé par une association d’aide aux migrants de Denver. Une fois à New York, j’ai pris un bus pour Plattsburgh. Ce bus était plein, nous allions tous traverser la frontière. Le 10 janvier à 7 h du matin, nous sommes arrivés au Canada », raconte-t-il.

Pedro est ensuite logé dans un hôtel de la rue Berri, où il reste deux mois. Puis, il est transféré dans un hôtel près de l’aéroport de Montréal. Il n’y reste que huit jours avant d’être envoyé au siège du Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile, le PRAIDA, où il reste deux semaines. « On m’a dit que j’allais manquer de temps, alors j’ai cherché un hébergement. Le 1er avril, j’ai déménagé sur la Rive-Sud avec l’argent que je recevais de l’aide sociale. La réalité est que cette aide ne me suffit pas ; voilà pourquoi j’envisage d’aller aux États-Unis. Ce mois-ci sera décisif, car si rien ne change d’ici la fin du mois, je devrai repartir », dit-il. En montrant ses vêtements et son sac, il s’exclame : « C’est tout ce que j’ai. »

Le Vénézuélien raconte aussi que, dans la situation où il se trouve, il choisit souvent de faire ses courses à pied, car il lui est même difficile de payer son transport.

Bien qu’il ait été conseillé par un avocat spécialisé en droit de l’immigration, qu’il a préféré ne pas nommer, Pedro déclare qu’il avait demandé un remboursement de l’avance de 1 000 $ qui lui avait été accordée pour le traitement de sa demande d’asile, car il estime que ce professionnel n’a pas fait grand-chose pour faire avancer son dossier. « J’étais en danger à cause du travail que je faisais. Ils voulaient que nous soutenions le gouvernement, ce que je n’appréciais pas. Je travaillais dans un service spécial. Je n’ai jamais participé à des manifestations », déclare le jeune homme, qui faisait partie de la Police nationale bolivarienne, un organe du gouvernement vénézuélien qui a été montré du doigt par Amnistie Internationale comme responsable de la répression subie par une partie de la population vénézuélienne lors des manifestations de 2017. Pedro a assuré à La Converse qu’il n’avait pas participé à la répression.

« Ma famille dépend de moi »

Pedro dit que les personnes qu’il connaît et qui sont entrées au pays avec lui ont déjà un permis de travail et disposent des principales conditions requises pour pouvoir travailler légalement. Lui attend toujours et ne voit pas de solution à son problème. Sur les 800 $ d’aide économique qu’il reçoit, 600 sont consacrés au loyer. Il doit répartir les 200 autres dollars entre la nourriture, le transport et le forfait de son cellulaire. Pendant ce temps, il communique avec Immigration Canada, mais comme il ne parle ni français ni anglais, on lui dit qu’on ne peut pas l’aider. « Mon colocataire leur a dit qu’il pouvait traduire ce que je voulais dire, mais ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas l’accepter », ajoute-t-il, exaspéré.

Le dilemme de ce jeune homme est grand, car il vit seul au Canada, alors que toute sa famille est au Venezuela, y compris sa fille, âgée de six ans, qui vit avec ses parents. « Mes parents sont âgés. Ma mère souffre de migraines, et mon père a eu un accident vasculaire cérébral en 2019. Il est handicapé. Ma famille dépend de moi. »

Pedro sait que de nombreux migrants ont recours au travail informel pour arrondir leurs fins de mois. C’est une solution qu’il a essayée, mais il dit craindre d’être victime d’une fraude, en montrant certains messages qui lui ont été envoyés par de prétendus recruteurs de main-d’œuvre. « Tout cela ressemble à une fraude », déclare-t-il, ajoutant qu’il connaît des migrants qui ont travaillé cash, qui ont été exploités et qui n’ont pas été payés après avoir travaillé.

La fatigue et l’inquiétude se lisent sur le visage du jeune Vénézuélien. Il dit souffrir d’insomnie et préfère ne pas raconter à ses parents ce qu’il vit, pour ne pas les inquiéter. En attendant, il continue de compter les jours jusqu’à la date limite qu’il s’est fixée pour savoir enfin ce qu’il fera. En attendant, il en profite pour lancer un message aux services de l’Immigration : « Il serait bon d’accélérer la procédure pour les demandeurs d’asile afin qu’ils puissent obtenir leur permis de travail. Ainsi, le gouvernement n’aurait pas à assumer le fardeau que nous représentons, et nous aurions la possibilité de commencer à travailler. Je ne cherche pas d’emploi particulier. Je suis disposé à travailler dans n’importe quel domaine – la construction, le balayage, le nettoyage, n’importe quoi. »

Aucune décision n’a encore été prise, mais Pedro sait bien ce que signifie retourner aux États-Unis. Il est déjà passé par là et a acquis une certaine résilience. « Il s’agirait… de repartir à zéro », conclut alors le jeune homme, dont il pourrait s’agir des derniers moments au pays.

L’actualité à travers le dialogue.
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