La jeunesse racisée se heurte encore trop souvent à un plafond de verre. Toutefois, de plus en plus de modèles issus des communautés minoritaires, notamment dans le milieu sportif de haut niveau, brisent les barrières et montrent qu'un avenir fait d’opportunités est possible. C’est ce que l’événement Mise au Jeu, organisé par Export Support, a voulu montrer aux jeunes. Le sport peut être un point de départ et non une fin en soi et il existe bien d’autres perspectives à envisager.
Malgré la pluie qui s’abat sur Montréal durant ce dernier vendredi de juin, bon nombre de familles et de jeunes ont bravé les intempéries et se sont rendus au centre culturel marocain Dar Al Maghrib où se tenait la rencontre. L’objectif : s’informer sur les possibilités de bénévolat, mais surtout écouter et échanger avec deux athlètes professionnels issus de la communauté maghrébine.
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Un espace d’écoute et de transmission
À l’intérieur, du thé à la menthe et des sucreries sont servies tandis que la fébrilité des discussions emplit l’espace dans l’attente de rencontrer Mehdi Abdesmad, ex-joueur de la NFL et Zacharie Belamri, joueur universitaire de soccer et militant associatif.
Une fois sur scène, les deux figures partagent leurs parcours, leurs échecs et leurs victoires, encouragent les jeunes à croire en eux, à bâtir plusieurs plans pour l’avenir.
« J’ai perdu mon père au secondaire 5. J’avais deux choix dans la vie : soit je suivais le mauvais chemin, soit j’essayais d’aller vers le droit chemin, puis des études, puis le football. Et, c’est ce que j’ai fait », confie Mehdi Abdesmad.
Si les Québécois ayant atteint la NFL sont rares, Mehdi Abdesmad a connu un parcours haut en couleur malgré les obstacles. Selon lui, le sport est une véritable école de vie, qui enseigne la discipline, le dépassement de soi mais surtout la capacité de se réinventer. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait.
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Formé au Cégep du Vieux-Montréal, il s’est illustré au Boston College avant de signer avec les Titans du Tennessee en 2016. Après un passage chez les Buccaneers en Floride et une retraite anticipée à 26 ans pour des raisons de santé, il a ensuite travaillé pour Ubisoft et est aujourd’hui courtier immobilier. « Si tu es capable d’apprendre dans ta carrière sportive, tu seras capable de l’appliquer ailleurs. Tu réussiras ».
Une des activités dont il est le plus fier est d’encadrer des jeunes. « Le plus important pour moi, c’est de redonner à la jeunesse ce que je n’ai pas eu : un mentor. Même si j’aide un seul jeune, c’est ça qui compte », explique l’ancien joueur d'origine tunisienne, au sourire constant.
« Le sport, c’est pas pour la vie », rappelle Mehdi Abdesmad. Il souligne qu’il est important de s’impliquer pleinement, mais garder les yeux ouverts sur d’autres possibilités. Zacharie Belamri, encore en parcours universitaire et joueur des carabins, insiste lui aussi sur l’importance d’avoir une autre voie si la première échoue. Parce que si le sport peut être un tremplin, il ne suffit pas à construire un avenir durable sans projet parallèle.
Ne pas avoir peur de l’échec
Pour Zacharie Belamri, l’échec n’est pas une fin, mais un passage obligé vers la réussite. « Une fois que tu as beaucoup d’échecs, tu comprends que c’est quelque chose de normal », explique-t-il.
Les meilleurs joueurs sont d’ailleurs souvent ceux qui ont connu le plus d’échecs tôt dans leur parcours, rappelle-t-il. « Y’a personne qui va tout réussir et y arriver d’un coup. Plus tu fais d’erreurs, plus tu apprends. C’est à ce moment que tu peux tirer le plus de leçons. »
Ces mots résonnent auprès de plusieurs jeunes dont Mohamed.
Pour lui, l’événement Mise au Jeu est tombé à point nommé. Comme beaucoup de jeunes passionnés de sport, il se trouvait à la croisée des chemins, tiraillé entre ses rêves et les doutes qui s’accumulent avec le temps. « J’étais dans une période de doute. Je pensais arrêter. »
En écoutant les témoignages de Mehdi Abdesmad et de Zacharie Belamri, il dit ressentir « un second souffle ». C'est la sincérité de leurs mots, leur lucidité face aux échecs, leur capacité à rebondir qui l’ont touché. « Zacharie a dit que ce n'était jamais trop tard. Tu peux y arriver à n’importe quel âge. »
« Ça m’a vraiment motivé. » L’adolescent repart avec le numéro de téléphone de Zacharie, pour qu’il puisse l’accompagner alors qu’il souhaite aussi être joueur de soccer. Ragaillardi par les paroles des deux athlètes, il explique être conscient que « la vie n’est pas un film Disney ».
Pour les parents, comme Sarah, cette rencontre représente bien plus qu’un simple moment d’écoute : c’était une opportunité précieuse pour accompagner leurs enfants dans leur cheminement personnel. Elle souligne l’importance de ce type de rencontre car il est parfois difficile pour les parents de faire passer certains messages à leurs enfants.
« Ça m'a fait plaisir parce que plusieurs de leurs commentaires, de leur retour d’expérience, de leur constat. C’est des choses qu'on dit, qu'on répète. Mais là, les intervenants l’ont dit d'une façon qui les touche peut-être plus, qu'ils les convainquent davantage », explique-t-elle.
Son fils Hamza, âgé de 13 ans, indique que cette soirée lui a permis d’avoir une idée des bases pour s’améliorer et progresser.
« Je sais que si j'applique ce qu'ils disent, il y a des chances que moi aussi, je fasse mieux », précise-t-il. « J'ai bien aimé quand ils ont parlé des techniques pour accéder à nos objectifs. Par exemple, se donner des objectifs petit à petit pour pouvoir progresser à court, moyen et long terme ».
Inspiré, Hamza envisage déjà de s’engager davantage dans les milieux sportifs et associatif. « J'aimerais bien être comme eux un jour, que tout le monde m'écoute et que je donne des conseils sur ce que j'ai pu traverser dans ma vie. »
Un autre jeune, Bediss, nous confie que le sport n’est pas seulement un terrain de performance personnelle, mais un futur métier, un levier pour transmettre : « Moi, j’aimerais devenir professeur de football ou de soccer. » Derrière cette ambition, il y a l’envie de partager ses apprentissages, de guider à son tour, d’avoir un impact sur les prochaines générations. Comme s’il avait déjà intégré le message fondamental de la soirée : recevoir, c’est bien. Redonner, c’est mieux.
La mission d’Export Support
Export Support, coorganisateur de l’événement, mène depuis plusieurs années un travail de fond pour offrir un accès équitable à l’éducation. Sa mission s’articule autour de trois piliers : distribuer du matériel scolaire en fin d’année scolaire afin de lutter contre le gaspillage et alléger la charge financière des familles.
Tout part d’un simple constat : chaque fin d’année, dans de nombreuses écoles, du matériel encore utilisable finit à la poubelle lorsque les élèves vident leurs casiers. Pour y remédier, l’organisme installe des bacs de collecte dans des écoles partenaires. Les élèves y déposent leurs cahiers à peine entamés, leurs crayons encore bons, des trousses, des sacs... Tout est trié, redistribué et recyclé pour répondre aux besoins de communautés du Grand Montréal, au Maroc et à Haïti.
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Née d’un devoir scolaire qu’a rendu Selma Rehimini, l’initiative s’est concrétisée grâce à l’engagement de plusieurs étudiants. Leur première mission : expédier un conteneur rempli de fournitures au Maroc. « C’est un devoir devenu réalité », résume la VP Internationale d’Export Support, Selma Rehimini. Son conseil aux jeunes ? Choisir une cause qui les passionne car c’est la passion qui permet à un petit projet de devenir une aventure humaine durable.
Sarah a vu ses enfants repartir avec une motivation nouvelle et le désir de s’engager davantage, notamment par le bénévolat ou d’autres activités porteuses de sens. « Avec l’exercice sur le CV, mes enfants ont réalisé qu’ils n’avaient pas grand-chose à y mettre. Ça les pousse à envisager plus sérieusement le bénévolat ou d’autres engagements, pour éviter d'avoir un CV vide. Pour moi, l’objectif est atteint avec cette rencontre-là », conclut la mère de famille, visiblement ravie.