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Saint-Bernard-de-Lacolle – À la rencontre de ces demandeurs d’asile qui fuient les États-Unis
Le poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle. Photo: Loubna Chlaikhy
17/4/2025

Saint-Bernard-de-Lacolle – À la rencontre de ces demandeurs d’asile qui fuient les États-Unis

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5 Minutes
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Note de transparence

Le poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle accueille de plus en plus de demandeurs d’asile qui souhaitent quitter les États-Unis, où l’administration Trump les menace de déportation. En pleine élection fédérale, la crainte d’un nouveau chemin Roxham est au cœur des débats. Mais derrière l’arrivée de ces migrants se cachent autant d’humains, de parcours individuels, de rêves brisés et d’espoirs d’une vie meilleure. La Converse est allée à Saint-Bernard-de-Lacolle pour les rencontrer. Reportage.

Sous le ciel nuageux de ce début de printemps, c’est le calme plat aux abords du poste-frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle. Rien ne laisse deviner ce qui se joue ici depuis plusieurs semaines. Pourtant, à quelques mètres de là, près d’un grand panneau souhaitant la « Bienvenue au Québec » à tous ceux qui arrivent des États-Unis, se cache le centre de traitement des demandes d’asile. Aucun écriteau, aucun panneau, rien n’indique que ce bloc de béton – un bâtiment gris d’un étage – accueille le centre de traitement des demandes d’asile.

Mais rien ne bouge en ce début d’après-midi. On est bien loin du flux que l’on pouvait observer au chemin Roxham. Les seules allées et venues sont celles des agents de sécurité et des policiers qui prennent une pause à l’extérieur pour fumer une cigarette ou passer un appel. 

Pourtant, Saint-Bernard-de-Lacolle est au cœur des débats qui animent la campagne électorale fédérale au Canada. Le 8 avril, le ministre québécois de l’Immigration, Jean-François Roberge, a suscité la polémique en déclarant : « Le Québec ne peut pas, à lui seul, accueillir toute la misère du monde. » Une formule pour laquelle il a déclaré ne pas vouloir présenter d’excuses, malgré les critiques et malgré le fait que les chiffres montrent que les demandes d’asile sont en baisse de 53 % par rapport à l’année précédente (voir encadré).

Depuis son élection, Donald Trump mène pour ainsi dire une chasse aux migrants. Le mois dernier, le ministère de la Sécurité intérieure des États-Unis a décidé d’annuler le statut légal accordé à quelque 532 000 personnes originaires de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du Venezuela par l’administration Biden. Celles-ci ont appris dernièrement que leur statut prendra fin le 24 avril 2025. Un véritable tremblement de terre pour ces populations en quête d’asile.

Par ailleurs, l’administration Trump a déclaré vouloir mettre un terme au statut de protection temporaire (TPS) d’environ 600 000 Vénézuéliens et 500 000 Haïtiens au mois d’août prochain. Cette décision a toutefois été suspendue par deux juges fédéraux du Texas et de New York le 9 avril. Un revers important pour le président républicain, qui démantèle un à un les programmes mis en place par son prédécesseur démocrate. 

Mais cette décision de justice pourrait n’être que temporaire, et de nombreuses personnes visées par ces mesures cherchent un endroit où se réfugier. Le Canada apparaît ainsi comme l’unique sortie de secours. 

Selon l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), ces annonces ont coïncidé avec une hausse marquée du nombre de passages au point d’entrée de Saint-Bernard-de-Lacolle. Il y a eu 560 demandes d’asile en janvier, 755 en février et 1 356 en mars. Du 1er au 6 avril, 557 demandes ont déjà été reçues à ce poste frontalier, contre 171 demandes du 1er au 6 avril 2024.

De Boston à Montréal : le parcours d’Hugues et de sa famille, en quête d’un nouveau départ

Vers 19h, on perçoit enfin de l’agitation aux abords du centre de traitement des demandes d’asile du poste frontalier. Plusieurs personnes sortent par un portail. Elles tiennent une pochette transparente contenant des documents et tirent des valises à bout de bras. Alors que certaines s’engouffrent dans des voitures qui repartent aussitôt, deux personnes semblent égarées. Il s’agit de Ketly et d’Hugues. 

« Je suis venue chercher mes deux frères, leurs femmes, dont une qui est enceinte, et ma nièce de un an. J’ai pris mon pick-up, mais il n’y a pas de place pour tout le monde ; donc, nous deux, on va prendre un Uber », confie Ketly, qui vit à Montréal depuis plus de 30 ans. Comme je rentre également à Montréal, je leur offre de faire le trajet ensemble. 

« Avec plaisir, vous êtes notre bonne étoile ! » s’enthousiasme Ketly en montant en voiture. « Vous pouvez lui souhaiter la bienvenue ! Lui, c’est mon frère, et il vient de sortir du centre après deux jours de vérifications de sa demande d’asile ! Il a un sacré parcours, il peut vous raconter en route si vous voulez », explique-t-elle en montrant du doigt le jeune homme qui s’installe à l’arrière.

Malgré la fatigue, Hugues est ravi de raconter son histoire. Parti il y a trois jours de Boston avec sa femme et sa fille, il a pris le bus jusqu’à Plattsburgh, où il a retrouvé son frère aîné et sa belle-sœur. Ensemble, ils se sont rendus jusqu’au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle en taxi – et ont parcouru le dernier kilomètre à pied en tirant leurs huit valises. « On a passé 36 heures dans le centre. D’ailleurs, on fêtait le premier anniversaire de ma fille hier », explique le jeune Haïtien de 28 ans avec le ton léger de celui qui raconte sa dernière sortie au cinéma.

Lorsqu’ils se présentent à la frontière, les demandeurs d’asile doivent passer plusieurs étapes auxquelles certains sont plus ou moins bien préparés. « Je me suis renseignée avant ; donc, ils avaient avec eux tous les actes de naissance et documents qui prouvent que je suis leur sœur pour pouvoir bénéficier de l’exception. J’étais sûre de moi, je savais qu’il n’y aurait pas de problème », assure Ketly.

Ketly marche auprès de son frère Hugues qu'elle vient de récupérer à la sortie de centre de traitement des demandes s'asile du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle. Photo: Loubna Chlaikhy

Hugues avoue avoir été quelque peu inquiet de son côté. Après le premier tri, la famille a été invitée à se délester de ses bagages dans une salle prévue à cet effet, et chacun s’est vu remettre un bracelet avec un numéro. Ils ont ensuite été appelés pour une première entrevue avec un agent frontalier. « Ils nous ont posé beaucoup de questions sur notre situation, ce qu’on compte faire ici… mais rien de difficile. Ensuite, on nous a conduits dans une grande salle où il y a des lits superposés partout ; on nous a donné un drap chacun et à manger. Pas grand-chose, mais c’était suffisant », décrit Hugues, qui tient à souligner la gentillesse des agents frontaliers.

Le centre de traitement fonctionne 24 heures sur 24 pour faire face à l’afflux de demandeurs. La nuit est courte, et il n’y a pas assez de lits pour tout le monde. Le lendemain, au cours d’une seconde entrevue, un agent frontalier appelle Ketly. « Il m’a posé beaucoup de questions ! Ils considèrent que j’accueille cinq personnes, puisque le bébé compte comme un adulte pour eux », raconte-t-elle. Cette idée la fait éclater de rire. 

« Il m’a demandé si j’étais vraiment sûre de vouloir tous les accueillir. Il disait que, pour mes frères, il comprend, mais qu’avec leurs femmes, ça fait peut-être beaucoup pour moi. Mais je ne vais pas dire à mes frères de laisser leurs femmes ! Il voulait savoir ce que je fais comme travail, comment je vais payer pour tout le monde le temps qu’ils aient leurs papiers, où ils vont vivre… » raconte Ketly. On sent qu’elle prend son rôle d’aînée très à cœur et se sent responsable de la réussite de l’immigration de ses frères au Canada. 

Il faut dire que son frère a déjà enduré un parcours migratoire long et difficile. En 2021, il tente pour la première fois de se rendre aux États-Unis en passant par le Brésil, puis par le Mexique, au cours d’un périple d’un mois. Arrivé à la frontière américaine, il est placé en détention et renvoyé en Haïti. L’année suivante, il suit le même itinéraire et est placé en détention par l’immigration américaine durant un mois. Mais cette fois, il est autorisé à séjourner aux États-Unis.

Depuis, il s’est installé à Boston, où vit l’une de ses cousines. Il a fait venir sa femme et a eu son premier enfant. « J’étais chauffeur Uber là-bas. Mais ma femme a reçu la lettre de l’Immigration pour partir. Retourner en Haïti, ce n’est pas possible, c’est trop dangereux, je ne veux pas ça pour ma fille », confie-t-il. 

Arrivés à Montréal, Ketly, Hugues et leur famille descendent les valises qu'ils espèrent ne refaire que pour partir en vacances. Photo: Loubna Chlaikhy

Il est 20 h 30 lorsque nous arrivons devant l’appartement de Ketly dans le nord de Montréal. Les yeux pleins d’étoiles, Hugues découvre Montréal de nuit par la vitre de la voiture. Le temps de descendre de l’auto, la camionnette conduite par son ami se gare à son tour. La fatigue se lit sur les visages tirés des autres membres de la famille, qui sortent les valises de la caisse arrière. « Ils vont bien dormir ce soir ! » s’amuse Ketly.

Malheureusement, tous les demandeurs d’asile n’ont pas la chance d’avoir une Ketly qui vit au Canada. Au poste-frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle, certains sont contraints de faire demi-tour.

580 demandeurs d’asile renvoyés aux États-Unis au 5 mars 2025

« Les agents de police sont débordés, car ce n’était pas prévu, mais la réalité est qu’ils sont pris avec ça, et je crois que certains agents deviennent impatients », témoigne Frantz André, membre du Comité d’action des personnes sans statut (CAPSS). L’organisme intervient essentiellement auprès des demandeurs d’asile haïtiens, qui constituent la majorité des arrivées actuellement, suivis des Vénézuéliens. D’après le militant, certains rencontrent des obstacles au moment de passer la frontière à Saint-Bernard-de-Lacolle. En date du 5 mars 2025, 580 personnes ont été renvoyées aux États-Unis depuis le début de l’année, selon l’ASFC.

Les policiers de la GRC patrouillent le long de la frontière. Photo: Loubna Chlaikhy

Frantz André raconte comment une famille aurait été séparée sans motif la semaine dernière. Un couple et sa fille de six ans étaient admissibles à l’exception familiale, assure le militant, qui a aidé la famille à préparer son dossier. Mais seul le père aurait finalement pu traverser la frontière, alors que sa femme et sa fille auraient été reconduites aux États-Unis. « Ils m’ont raconté que l’agente a menacé d’annuler leur statut légal américain, alors qu’elle n’en a pas du tout le pouvoir ! » s’indigne-t-il. 

Grâce au CAPSS, une chambre d’hôtel a été payée pour accueillir la femme et l’enfant le temps de trouver une solution. Elles auraient finalement traversé la frontière grâce à des passeurs et se cacheraient en ce moment même. Après deux semaines de présence sur le territoire, elle pourra demander l’asile à son tour. « Les passeurs font beaucoup d’argent, et on sait qu’il y a des cas d’abus sexuels, par exemple. Mais des gens empruntent de l’argent à leur famille ou à des usuriers pour tenter d’assurer leur survie, car on sait qu’en ce moment, c’est une guerre civile qu’il y a en Haïti. Ces personnes n’ont pas le choix », souligne l’activiste. D’après lui, le Canada a une responsabilité morale envers Haïti et ses habitants.

Une caméra de surveillance sur le chemin Roxham. Photo: Loubna Chlaikhy

À l’instar de nombreux organismes comme Amnistie internationale, Frantz André dénonce l’Entente sur les tiers pays sûrs. Celle-ci s’applique à l’ensemble de la frontière terrestre et stipule qu’une personne doit demander l’asile dans le premier pays jugé sécuritaire où elle arrive. Les immigrants arrivant des États-Unis ne sont donc pas autorisés à déposer une demande au Canada. Il existe cependant trois exceptions : les personnes ayant un membre de leur famille installé au Canada (parent, enfant, frère, sœur), les mineurs non accompagnés et les personnes ayant traversé la frontière de façon irrégulière et pouvant prouver leur présence sur le territoire canadien depuis au moins 14 jours. 

« Ma position, depuis plusieurs années, est que le Canada devrait se retirer de cette entente, car nous avons signé la Convention de Genève en 19691 et que nous ne la respectons pas. Un pays sûr, normalement, c’est un pays où vous êtes en sécurité, et ce n’est pas le cas des États-Unis », affirme-t-il.

Frantz André n’est pas le seul à se mobiliser. Près de la frontière, un comité citoyen est actif depuis 2017 pour réclamer la fin de cette entente bilatérale.

À Saint-Bernard-de-Lacolle, les habitants oscillent entre crainte et solidarité

Il y a comme un air de déjà-vu pour les habitants de Saint-Bernard-de-Lacolle et des alentours. Les rues sont désertes en ce jeudi après-midi, mais tous savent ce qu’il se passe non loin de là, au poste-frontière. « Pour l’instant, il n’y a pas de conséquence pour la communauté, car tout se gère au niveau du service frontalier », assure Estelle Muzzi, la mairesse de la municipalité.

Estelle Muzzi, mairesse de Saint-Bernard-de-Lacolle, devant l'Hôtel de Ville. Photo: Loubna Chlaikhy

Selon l’élue, les municipalités situées à proximité de la frontière ont été approchées par les gouvernements fédéral et provincial dès le mois de janvier. « On nous a dit qu’on pouvait leur faire part de nos inquiétudes et que les effectifs de la GRC avaient été augmentés. Il y a beaucoup de patrouilles, et il y a aussi des voitures banalisées qui circulent pour voir s’il y a des réseaux de passeurs. Fait qu’ils nous assurent que la frontière est très bien sécurisée », explique Mme Muzzi.

Si la présence accrue des patrouilles de la GRC rassure certains résidents, d’autres cependant s’y opposent. C’est ainsi qu’a vu le jour le comité citoyen Des Ponts pas des Frontières en 2017 afin d’exprimer le soutien de la communauté envers les demandeurs d’asile. « Tous ceux qui vivent près de la frontière ont reçu un dépliant chez eux pour leur dire d’alerter la GRC s’ils voient quelqu’un », indique l’organisation. Une information que confirme Mme Muzzi. 

Policiers juchés sur des quads au milieu d’une clairière dans la forêt, hélicoptère dans le ciel en arrière-plan – la photo de la première page du dépliant, dont La Converse s’est procuré une copie, semble tout droit sortie d’un film d’action. « En tant que citoyen résidant proche de la frontière, vous pouvez nous aider à identifier toutes personnes ou situations suspectes afin de prévenir différentes infractions ou toute forme de criminalité », peut-on lire à l’intérieur.

Le dépliant de la GRC distribué aux habitants près de la frontière. Photo: reproduction

Une phrase qui irrite les militants. « Dans cette formulation, il y a une façon d’assimiler les demandeurs d’asile à des criminels, ce n’est pas normal. Il faut rappeler que, même ceux qui traversent la frontière de façon irrégulière, c’est-à-dire à un point d’entrée non officiel, ne sont pas dans l’illégalité, selon le droit canadien et international », expliquent-ils. Les « exemples de situations suspectes » que la GRC invite à dénoncer étonnent également : « des personnes sont évasives sur leur destination », « des personnes marchent avec un sac à dos ou des valises » ou encore « un véhicule que vous ne connaissez pas ». L’organisme refuse de participer à ce genre de mesure et assure que de nombreux habitants sont eux-mêmes contrôlés de façon régulière. 

« De nouvelles caméras de surveillance ont été installées sur plusieurs axes, et certains d’entre nous se font arrêter par la GRC sans aucune raison. Tout cela crée de la crainte chez certaines personnes, qui appellent la GRC dès qu’elles voient quelqu’un près de chez elles », témoigne une membre. « Pour moi ce n’est pas une façon de traiter des gens qui fuient un pays qui nous menace ; c’est inconcevable ! »

Des caméras de surveillance sont en effet visibles sur plusieurs chemins, et la GRC contrôlera notre véhicule à deux reprises durant la préparation de ce reportage.

De son côté, Estelle Muzzi se refuse à commenter des questions de politique internationale. Assise à la grande table en bois du conseil de l’hôtel de ville, elle tient cependant à exprimer sa solidarité. « Je suis très compatissante envers ces migrants. Tout ce qu’ils veulent, c’est pouvoir vivre et travailler en sécurité, ce sont des personnes qui avaient un statut légal et qui se sont intégrées, mais Trump a supprimé tout ça, souligne celle qui évoque ses origines italiennes. Je ne sais pas comment ça va finir tout ça, mais c’est avant tout de la misère humaine. Ce n’est facile pour personne, même pour les agents frontaliers. J’imagine que ça doit être déchirant pour eux de refuser quelqu’un. »

Alors que le Canada est en pleine campagne électorale fédérale, plusieurs partis politiques se sont emparés de la question migratoire. 

L’immigration au cœur de la campagne électorale

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet est le seul homme politique à s’être rendu au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, jeudi dernier. « Le fédéral a complètement abdiqué ses responsabilités en matière de gestion des frontières. (...) La frontière est une passoire, au point où le gouvernement du Québec y a récemment dépêché la Sûreté du Québec pour effectuer le travail d’Ottawa », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Le Bloc québécois a annoncé à cette occasion qu’il proposait la création d’un poste de ministre des Frontières pour diriger l’Agence des services frontaliers. Le parti veut également mettre fin à l’exception des 14 jours de l’Entente sur les tiers pays sûrs, durcir les peines pour les passeurs et autoriser les agents frontaliers à patrouiller à l’extérieur des postes frontaliers afin d’aider la GRC.

Du côté du Parti libéral, Mark Carney se réfugie derrière l’Entente et souhaite que les demandeurs d’asile non admissibles soient renvoyés aux États-Unis. L’actuel premier ministre a balayé la proposition bloquiste d’un ministère des Frontières : « Nous venons de [déployer] des drones, plus de personnel et plus d’hélicoptères, et ça fonctionne. Alors, je ne crois pas que c’est une bonne idée de créer un nouveau ministère. » Le gouvernement libéral a en effet lancé un plan de 1,3 G$ pour renforcer la sécurité à la frontière à la fin de 2024.

Le candidat conservateur Pierre Poilievre souhaite quant à lui effectuer un tri entre les bons et les mauvais demandeurs d’asile. « Si [la personne] peut prouver qu’elle est un véritable demandeur d’asile, sans antécédent criminel, et qu’elle peut contribuer à notre pays, elle devrait pouvoir rester ici », a-t-il affirmé lors de son passage à Edmonton le 8 avril. Il a toutefois fait porter la responsabilité de la crise du logement, de l’emploi ou encore de la santé à une hypothétique « fraude massive concernant les étudiants internationaux, les travailleurs étrangers et les faux demandeurs d’asile ».

Une sortie qui a suscité la polémique lorsque certains médias ont révélé que l’oncle d’Anaida Poilievre, l’épouse du chef conservateur, a traversé deux fois la frontière canadienne à pied – en 2004, puis en 2018 par le chemin Roxham, après que sa demande d’asile eut été refusée en 2005.  Le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert du Canada n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Quoi qu’il en soit, Hugues et sa famille veulent rester positifs et croire en un nouveau départ, le bon cette fois. « Le Canada était mon rêve pour être auprès de ma sœur. Je suis prêt à tout recommencer ici, comme je l’ai fait aux États-Unis », lance le jeune homme comme une promesse à lui-même.

Le militant haïtien fait ici référence à l’article 33 de cette convention relative au statut des réfugiés, qui interdit le renvoi d’une personne vers un pays « où sa vie ou sa liberté serait menacée ». 

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Des demandes d’asile en baisse par rapport à 2024

Malgré le ton alarmiste de certains politiques ou commentateurs ces dernières semaines, le nombre de demandes d’asile reçues depuis le début de l’année 2025 est en baisse par rapport à la même période en 2024. Les aéroports constituaient alors le principal point d’entrée des demandeurs. Les agents des frontières avaient traité 5 246 demandes d’asile au 6 avril 2025, contre 11 118 à la même date l’an dernier, soit une baisse d’environ 53 %.

Ottawa a en effet durci les règles d’immigration dans les aéroports. En février 2024, l’obtention d’un visa est devenue nécessaire pour une partie des ressortissants mexicains, qui arrivaient en grand nombre en tant que touristes et demandaient l’asile à leur arrivée à l’aéroport. Le gouvernement Trudeau a également compliqué l’obtention du visa touristique pour les Indiens. Aujourd’hui, la frontière terrestre est donc le principal point d’entrée des demandeurs d’asile.

Le Plan frontalier lancé par le gouvernement Trudeau en décembre 2024 fixe en outre des objectifs de reconduites à la frontière. « L’ASFC a augmenté le nombre de renvois de personnes inadmissibles au Canada, [il s’agit du] plus élevé en une décennie », souligne l’agence. Le Canada prévoit de maintenir les niveaux actuels de renvois pour 2025 et de les augmenter de 25 % au cours des années suivantes.

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