Je n’ai jamais couru après les prix.
Quand j’ai lancé La Converse il y a cinq ans, je ne l’ai pas fait pour la reconnaissance ou les trophées.
Je l’ai fait parce que j’en avais assez. Assez de voir les mêmes récits. Les mêmes voix. D'observer les mêmes silences. La Converse est née pour créer un espace où les parcours ou expériences des communautés marginalisées seraient enfin centrales — pas en tant que victimes, mais en tant qu’actrices de leurs récits. Un espace où, grâce au journalisme de dialogue, on bâtit des ponts, on crée de l’empathie, et on nourrit une meilleure compréhension entre des réalités qui, trop souvent, s’ignorent.
Et il faut le dire : dans un écosystème médiatique où le regard dominant reste encore trop étroit, faire ce travail n’a jamais été simple. On a souvent tenté de nous discréditer.
Un jour, un professeur m’a dit que nous étions un « média de ghetto ». Au Québec, certains leaders de l’industrie nous qualifient de « média militant ». Et récemment, lors d’un panel à au Festival de Journalisme à Carleton-sur-Mer— la veille d’une discussion que je devais moi-même modérer — j’ai entendu un journaliste nous comparer à des plateformes d’extrême droite qui n’ont rien à voir avec le journalisme. Et encore moins celui que l’on pratique.
Ces remarques, je ne les oublie pas. Elles nous rappellent que pour beaucoup, un média qui sert les communautés marginalisées n'est pas crédible. Mais elles ne nous ont pas arrêtés. Elles nous ont rendus plus fortes. Alors aujourd’hui, recevoir deux prix nationaux de journalisme, ce n’est pas rien et je suis fière de dire que nous sommes maintenant un média primé, que je suis une journaliste primée. Pas parce que je suis à la course aux trophées, parce que c’est un signe de reconnaissance, de crédibilité du travail que l’on fait depuis maintenant 5 ans, dans un monde où certains nous décrédibilisent encore et encore!
La Converse a remporté deux prix de l’association des journalistes canadiens aux Prix Canadiens des Journalistes:
- Le prix du meilleur Journalisme Parlé Communautaire pour Pas tout Montréal, réalisé avec Emmanuel Moussa et moi-même — un podcast reportage qui parle du mal social que vivent des jeunes racisés issus des quartiers défavorisés avec 5 personnes extraordinaires, réalisé durant l’École Converse podcast: Sadjida, Sami, Kester, Adriana, Nesim.
- Le prix du meilleur scoop pour l’enquête d’Anaïs Elboujdaïni intitulée Le Canada demande à des travailleurs de la santé de Gaza s'ils ont soigné des membres du Hamas. Un travail tellement important sur les doubles-standards que vivent les réfugiés palestiniens.
Deux histoires. Deux réalités qu’on a refusé d'ignorer. Ce n’est pas seulement une victoire pour notre équipe actuelle — c’est une victoire pour toutes celles et ceux qui, depuis cinq ans, ont construit La Converse, pour toutes les personnes qui se voient en nous, et pour toutes celles et ceux dont nous relayons les voix.
En tant que fondatrice de La Converse, je dédie ces prix à toutes les personnes que l’on déshumanise dans les discours médiatiques dominants.
Nous vous voyons. Nous vous entendons.
Et nous continuerons à vous honorer à travers chaque histoire que nous publions. Pour nous aider à honorer ces voix, soutenez La Converse en contribuant à notre mission!