Marche pour la levée du blocus à Gaza : l’Égypte s’interpose et détient des Canadiens
Des militantes et militants détenus non loin de la ville d'Ismailia. Photo: Lucy Davalou
13/6/2025

Marche pour la levée du blocus à Gaza : l’Égypte s’interpose et détient des Canadiens

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En Égypte, des centaines de militantes et militants, dont plusieurs Canadiens, ont été détenus arbitrairement depuis hier. Environ 4 000 personnes provenant de 84 pays se sont réunies au Caire, dans le cadre de la Marche mondiale vers Gaza, une initiative pacifiste portée par le mouvement civil et apolitique du même nom. Cette mobilisation vise à dénoncer le blocus, la famine et le génocide en cours à Gaza. Quelle est la situation sur place et pourquoi l’Égypte entrave-t-elle cette initiative citoyenne ? Nous nous sommes entretenus avec des militants, une journaliste sur le terrain et un expert du Moyen-Orient afin de mieux saisir la teneur de la situation.  Reportage

« Une personne a été séparée du groupe [canadien] à un checkpoint, nous n’avons pas encore de ses nouvelles depuis près de 7 heures. Sa femme, qui est aussi sur place, est en panique! », nous confie Tatiana Harker, vice-présidente de la délégation canadienne pour le Marche mondiale vers Gaza. 

Une centaine de Canadiens se sont joints à l’initiative. Mais sur place, une soixantaine d’entre eux ont été détenus arbitrairement, et leurs passeports ont été confisqués.  « Six membres de la délégation ont été kidnappées dans la ville de Al-Arich, puis relâchés plus tard. Certains autres ont été relâchés dans un coin perdu... », précise encore Tatiana Harker. Certains membres des délégations ont été interceptés directement dans leurs hôtels, ce qui soulève des questions quant à la surveillance exercée par les autorités. 

Initialement, les délégations devaient arriver au Caire entre le 11 et le 12 juin. Le 13 juin, un départ en bus était prévu en direction d’Al-Arich, une ville située dans la péninsule du Sinaï, à environ 350 kilomètres à l’est de la capitale. Depuis Al-Arich, les militants devaient entamer une marche de 48 kilomètres en direction de Rafah, à la frontière avec Gaza. L’objectif : maintenir une pression symbolique sur les autorités égyptiennes pour obtenir l’ouverture du point de passage à l’aide humanitaire.

L’État égyptien empêche le bon déroulement de la marche

« [Les autorités égyptiennes] ont fait monter les gens dans les bus de force, elles en ont frappé certains, elles en ont pris d’autres. (...) Dès que ça filmait, [elles] essayaient de prendre les téléphones, de les voler, de les éclater par terre », confie Lucy Davalou, une journaliste indépendante elle-même bloquée dans un bus par la police égyptienne.

« L’État égyptien (...) est connu pour son pouvoir autoritaire (...), explique Sami Aoun, Directeur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’Université de Sherbrooke. « Ce régime est très soupçonneux de toute mobilisation au sein de sa société civile ou dans les diasporas où l’on [redoute] une certaine influence des frères musulmans ou d’autres courants libéraux démocratiques. » 

D’autre part, le pays a signé des accords de paix avec Israël et ne souhaite pas être « défié sur ce point, rappelle le chercheur : [les autorités égyptiennes voient] dans toute manifestation une liberté de groupes, d’ONG, de gens qui lui reprochent une certaine lâcheté ou une certaine complicité avec Israël ».

Or, cette marche visait à mettre en lumière la situation génocidaire à Gaza, rappelle Tatiana. Elle déplore donc que « l’attention médiatique se détourne ainsi de Gaza ». 

Il est près de 21h à Montréal, 5 heures du matin en Egypte. Des centaines de manifestants passeront peut-être une nuit entière dans des bus, dans l’attente d’être renvoyés dans leurs pays. Un peu plus tôt dans la nuit, des vidéos d’eux nous sont parvenues. Ils entonnent, ensemble, des chants pour la libération de la Palestine. À Montréal, une manifestation relaie leurs voix devant le consulat égyptien. 

En Libye, un millier de manifestants venus de Mauritanie, du Maroc, d’Algérie et de Tunisie pour rejoindre Rafah sont pour leur part bloqués dans l’est du pays. 

L’actualité à travers le dialogue.
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