Les Messagers Converse : comment le rap constitue une forme de journalisme
Un lundi soir de mai, sept jeunes montréalais se sont réunis dans les espaces de La Converse. Pour la plupart, c'était la première fois qu’ils se rencontraient. Mine de rien, ils sont alors sur le point de créer des liens qui les uniront pour toujours. Certains arrivent presqu’une heure avant l’heure du rendez-vous, d’autres se précipitent au dernier moment. Une fois tous arrivés, les jeunes adultes se rapprochent autour de celui qui leur servira de mentor pour les quelques semaines à venir. Raccoon, toujours avec son café glacé à la main, entame alors le premier atelier d’écriture “rapologique” qui servira à tous et à toutes pour l’écriture de leur projet commun, celui des Messagers Converse.
L’idée est simple, mais particulière : reprendre la production sonore de « Banlieusards » de Kery James afin de la remixer et de la mettre au goût du jour et… de Montréal. C’est donc dans un esprit de communauté et d’engagement que Terry Wouj, Kamilou, Youbee, SteinZ, Dreamkid, Snowside et Enomis réunissent leur savoir-faire le temps d’un morceau de rap. L’objectif est de proposer à des jeunes montréalais pour qui le rap est une partie intégrante de leur vie de participer à un projet unique en son genre.
Pourquoi « Banlieusards » ?
Le morceau éponyme du rappeur Kery James, de nationalités française et haïtienne, le définit souvent comme un « rappeur engagé ». Pour beaucoup, l’artiste de 45 ans est l’un des rappeurs engagés les plus importants en France. C’est en partie à cause des sujets d’intérêts publics et politiques qu’il évoque, mais également des problèmes dont souffre selon lui la France depuis les dernières décennies.
Des sujets comme la pauvreté, la corruption, le racisme, l’islamophobie sont présents dans ce que raconte Kery James. Dans « Banlieusards », sorti en 2008, l’auteur pointe du doigt la stigmatisation vécue par les jeunes de banlieues françaises. À l’aide de ses mots, l’artiste tente alors de redorer leur image, souvent entachée dans les grands médias et l’opinion publique.
À Montréal, ce sont des sujets similaires – mais qui ne se limitent pas à ceux-ci – qui préoccupent la jeunesse des quartiers relégués. C’est à travers ces ateliers d’écriture que Raccoon enseigne aux Messagers Converse que ces préoccupations sont abordées. Parmi celles-ci, les jeunes parlent notamment de précarité, de pauvreté et de l’isolement social de certaines communautés. Dans leurs textes, les Messagers Converse parlent des problèmes qui les touchent personnellement, mais toute la société également. Des expressions comme “ La pauvreté quelle idiotie ; c’est bien les dirigeants qui la contrôlent ” (Youbee) ou “ They label my people minority; gentrification of neighbourhoods is a priority ” (Snowside) en sont la preuve et matérialisent ces difficultés vécues par les auteurs.
Mais les Messagers Converse évoquent aussi leurs préoccupations personnelles. Comme Kery James, ces jeunes nourrissent l’espoir, à travers leur projet, qu’eux-mêmes ne sont pas destinés à une vie sombre. L’optimisme et la perspective d’une vie digne pour eux s’expriment à travers les paroles de la chanson ; mais également à travers l'œuvre complète du rappeur.
Reprendre ce classique du rap engagé et l’appliquer aux réalités des jeunes et des quartiers de la métropole montréalaise est un choix éditorial de La Converse, soutenu par l’équipe d’organisation, et même jugé nécessaire par Raccoon grâce à ses capacités de lyriciste dans le cadre de ce projet avec les jeunes.
L'œuvre de Kery James résonne aujourd’hui encore partout dans le monde. Des jeunes de quartiers partout dans la francophonie se sentent interpellés par le message de l’artiste français, des banlieues parisiennes jusqu’aux rues de Saint-Michel, à Montréal. « L’illégalité, ce n’est pas une route à suivre, parce que c’est un chemin où il n’y a que deux fins : la mort ou la prison », sont des paroles reprises par Arris, un jeune adolescent qui s’est confié par le passé à La Converse sur la criminalité et la violence qui touchent de plus en plus de jeunes de son quartier.
Qui sont les MC – Messagers Converse ?
C’est un groupe de sept artistes qui composent l’édition MC Converse de cette année. Parmi les participants, on y retrouve des personnalités aussi différentes que complémentaires, de tous les milieux et de tous les récits à Montréal. « Ce qui est important pour moi, c’est que les participants se sentent à l’aise, estime Raccoon, en lien avec son exercice de mentorat aux Messagers Converse. L’essentiel est qu’ils apprennent quelque chose. Je voulais qu’ils fassent partie d’un projet qu’ils aiment, qu’ils sortent de cette expérience avec un certain bagage. »
Issus des quatre coins de Montréal, les Messagers Converse sont tous des jeunes qui ont été marqués par la vie routinière et morne de leurs quartiers respectifs. De Saint-Laurent à Saint-Michel, en passant par Côte-des-Neiges et Villeray, le quotidien dans les quartiers plus défavorisés à Montréal se vit différemment par chacun des artistes. À travers leurs lignes, leurs préoccupations ont été matérialisées et partagées dans l’art du rap engagé.
Terry Wouj, de Port-au-Prince à Montréal
Terry est un jeune aspirant artiste originaire d’Haïti. Si cela fait quatre bonnes années qu’il se prête au jeu du rap seul ou avec ses proches, c’est cette année qu’il décide de tremper officiellement son pied dans l’univers public du Hip-Hop. Être un Messager Converse a permis au jeune citoyen de Montréal-Nord de partager son quotidien unique à travers l’écriture d’un couplet bien personnel.
Arrivé à Montréal-Nord à l’âge de huit ans, Terry prend du temps à s’adapter à sa nouvelle vie montréalaise. « En Haïti, tout le monde est noir. Il y a moins de différence entre la majorité et la minorité puisqu’elle n’est pas basée sur la couleur de la peau. Quand je suis arrivé ici, c’est l’inverse qui m’a choqué », raconte-t-il en lien avec son identité. « Je vois et je vis des problèmes que personne n’aurait dans mon pays d’origine. Des choses comme le profilage racial, par exemple, ça n’existe pas en Haïti », continue-t-il sur la même lancée. En lien avec les paroles de son couplet où il affirme : « J'en ai assez d'être sous représenté ; d'où je viens, la police est de mon ethnicité », Terry pointe notamment du doigt les injustices liées au racisme, beaucoup plus présentes dans certains endroits de la métropole, comme à Montréal-Nord.
Pour comprendre les diverses références de Terry à sa culture d’origine, la culture haïtienne, il faut se pencher sur son histoire personnelle. Il parle beaucoup de ce qui fait Montréal, ses hoods et sa culture. Il évoque bien sûr le melting-pot des influences externes qui sont venues créer un lieu unique sur l’île, mais également les différentes personnes qu’il croise dans la culture populaire d’ici. « Ce qui me pousse à aller de l’avant, c’est de voir les gens qui m’entourent et de m’en inspirer. Surtout à Montréal », confie alors Terry.
Ceux qui l’ont motivé à se lancer dans la musique et à vouloir réussir, ce sont ses propres Hood Heroes, comme Shreez, Tai TL ou encore Citron Rose. « Étant Haitien à Montréal, voir que ma culture réussit ici, c’est comme une fierté. Ça m’a permis de me sentir plus chez moi, moins dépaysé lorsque je suis arrivé ici. Je sens que tous les Montréalais sont proches de moi, juste avec le slang, par exemple ».
Vaincre le boysclub avec Kamilou
Une personnalité un peu timide et réservée comme celle de Kamilou – Kamille de son vrai nom – peut passer sous les radars au sein d’un groupe. Silencieuse et discrète au premier abord, Kamilou se transforme complètement lorsque le micro se retrouve entre ses mains. Sa contribution aux Messagers Converse est très personnelle et traite des maux du monde à partir de ses difficultés personnelles.
Dans son couplet, elle évoque beaucoup le boysclub qui constitue le monde entier, mais particulièrement le milieu du rap. « Ici, le milieu du Hip-Hop n’est pas nécessairement exploité par les femmes. Il y en a, mais elles n’ont pas la reconnaissance qui va avec le travail qu’elles font, commence-t-elle. Je me suis poussée à faire du rap en public car ça pouvait constituer pour certaines une sorte d’inspiration ou une sorte de tape dans le dos pour d’autres à se lancer comme rappeuses. »
Qu’est-ce qui a inspiré Kamilou dans l’écriture de ces lignes ? C’est en partie la relation privilégiée qu’elle a avec sa mère. « Ma mère m’a élevée seule toute ma vie. Elle ne gagnait pas trop bien sa vie, et on a toujours vécu dans des habitations à loyer modique. Pourtant, je n’ai jamais manqué de rien. Elle m’a beaucoup inspirée, c’est comme ma “ Hood Hero ” », confie-t-elle, sourire en coin. D’abord timide à confier son histoire, Kamilou prend de l’assurance lorsqu’il s’agit de parler des préoccupations qui l’ont poussée à prendre le micro. « Le rap, ça m’a aussi aidée psychologiquement. » En riant, elle ajoute même: « [qu’]écrire des chansons, c’est beaucoup moins cher qu’un psychologue, mais ça m’aide énormément. »
Youbee et le maniement des mots
Younesse Benkhedda, alias Youbee, est un jeune montréalais qui se lance dans le rap après avoir découvert son amour pour les mots et la langue française. Agile dans le maniement de l’écriture, c’est le rap qui lui permet de s’échapper et de partager sa vision du monde.
« Je me considère comme un rappeur engagé. Dans la vie, j'aime rire, passer du bon temps et ne pas trop réfléchir aux choses négatives. Quand j’écris, par contre, je le perçois comme une capacité de transmettre un message. Ça devient donc important pour moi d’écrire des choses qui vont toucher les gens », explique-t-il.
Âgé seulement de vingt ans, Youbee est d’origine algérienne. Il vit donc sa jeunesse en tant qu’immigrant à Montréal, et partage sa façon de voir ce qui l'entoure avec ses mots. Son identité d’immigrant dans la métropole lui fait voir le monde autrement.
La contribution de Youbee dans le projet MC Converse est très lourde de sens. Certaines lignes sont politiques, et dénoncent clairement les différentes lacunes qui existent dans son environnement. Pauvreté, inégalité, racisme ; son couplet se montre très engagé. Au-delà des références politiques, ce qui revient souvent dans sa performance c’est son amour et son appartenance à Montréal. Questionné sur son expérience avec la métropole, il affirme « ne pas s’attacher à un seul quartier seulement. [J]’ai grandi dans le Plateau et dans Villeray, mais je m’associe à la ville entière. Je suis toujours dehors, toujours en mouvement, que ça soit à Rivière-Des-Prairies ou à Notre-Dame-de-Grâce. »
Ce « citoyen de Montréal » est animé par un esprit de communauté. « Ce que j’aime avec le concept des Messagers Converse – et avec l’univers du rap en général –, c’est cette tendance rassembleuse. Dans le rap, tout le monde est égal, tout le monde partage sa vision pour les autres, tout le monde se rassemble autour d’un art qui les passionne. C’est cette caractéristique communautaire qui m’a attiré et qui me comble encore aujourd’hui », conclut-il.
La rage de briser le cycle et SteinZ
Issue du quartier Saint-Laurent dans le Nord de la ville de Montréal, SteinZ est une jeune rappeuse de 22 ans d’origine haïtienne et gambienne. Pour elle, être une femme dans un monde dominé par la présence masculine comme celui du Hip-Hop est une forme de résistance en elle-même. « Je rappe car je souhaite m’exprimer à travers mon art, nous confie-t-elle d’abord. C’est aussi car je veux que d’autres personnes puissent s’identifier à travers mes paroles et mon récit. »
L’une des thématiques que SteinZ dépeint avec subtilité dans son couplet, c’est la place de la famille dans la vie des jeunes – spécialement des jeunes Noirs. En effet, elle évoque la relation imparfaite qui existe entre elle et son père, et à quel point une quantité non négligeable de jeunes peut s’identifier à ses paroles. « Saviez-vous que les familles monoparentales où le père est absent constituent 25% des gens chez la population caucasienne? Chez les familles hispaniques, le chiffre monte à 50%. Chez les familles noires, on touche les 70% environ »,*** nous raconte-t-elle.
Pour SteinZ, toutes les problématiques familiales de ces communautés sont des répercussions historiques directes de problèmes de société antérieurs. « En racontant mon histoire à travers l’écriture de mes textes et en les rappant, je contribue à briser ce cycle », explique-t-elle.
L’expérience MC Converse a permis à SteinZ de continuer ce processus. « À l’aide des ateliers, j’ai compris que même si on a beaucoup d’informations à transmettre, on peut le faire d’une manière éloquente grâce au rap. Mon couplet dans la chanson, c’est une histoire que je pourrais raconter pendant des heures, mais j’y parviens à travers quelques dizaines de secondes puisque j’ai appris qu’il y a toujours une façon de partager un récit court mais de toucher les gens plus longtemps », conclut-elle.
L’emblématique Dreamkid de Saint-Michel
Si vous vous promenez dans les rues de Saint-Michel et que vous passez prendre une pointe de pizza dans l’une des pizzerias populaires du coin, il est fort probable que vous tombiez sur un jeune au style vestimentaire coloré et à l’humour hilarant. Personnalité publique à l’échelle de son quartier, DreamKid est un créateur de contenu âgé de 21 ans qui s’est depuis peu mis à l’art du rap, pour « parler de son quartier et de la vie quotidienne à Saint-Michel ».
« J’adore apprendre, commence alors Hudlain, de son vrai nom. Quand j’ai vu l’opportunité d’apprendre de Raccoon, l’un de mes rappeurs locaux préférés, j’ai sauté sur l’occasion. Comme je suis “ rappeur à temps partiel ”, je me suis dis que ça pouvait m’aider à raconter mes textes », évoque-t-il alors, un petit sourire en coin. Pour lui, le rap a toujours été associé à la violence, à la criminalité, aux drogues ou autres vices de la vie. « Les gars que je connais qui rappent ne vont pas vraiment parler d’amour ou de politique en profondeur. Mais le rap, ce n’est pas juste ça. On peut créer des histoires, les raconter à l’aide de métaphores ou d’autres techniques d’écriture », continue-t-il.
Selon lui, être capable de bien manier cet art, c’est un « skill » de vie. Et c’est grâce à ce « skill » qu’il est capable de raconter son histoire et celle de son entourage dans son couplet sur une instrumentale de Kery James. « Là d’où je viens, c’est un quartier réputé pour être un mauvais endroit. Je veux montrer aux gens que tout n’est pas noir ou blanc, et qu’il y a beaucoup de préjugés envers mon quartier ». Il s’exclame alors : « Il y a tellement de choses à faire à Saint-Michel, mais rien n’est mis en valeur. Les organismes n’ont pas beaucoup de moyens, les activités sont négligées. »
Ce qu’il veut faire, « c’est mettre de l’avant son quartier qui [l]’a vu grandir et éviter les préjugés sur cet endroit », conclut-il.
Snowside, tout droit sorti du NBS Studio
Snowside, de son vrai nom Jevonte Junior, est un jeune de 19 ans passionné par le rap. « Depuis très jeune, je suivais la culture Hip-Hop. Je passais des heures devant la télévision à regarder les chaînes consacrées au Hip-hop aux États-Unis et à écouter des vidéoclips de rappeurs », commence le Montréalais originaire de Côte-des-Neiges. Questionné sur ce qui l’a motivé à prendre la parole derrière un micro et à rapper, Snowside répond que l’écriture a toujours constitué une forme d’échappatoire pour lui. « La musique, c’est comme un journal intime pour moi, explique-t-il. Ce que j’écris, ça reflète ma vie, c’est réel. Je n’écris pas pour faire plaisir aux autres, j’écris pour moi. »
Et ces paroles, on peut les ressentir rien qu’en lisant les mots de son couplet dans Messagers Converse. Snowside évoque beaucoup les problèmes du hood, la pauvreté et la précarité, la gentrification et les problèmes judiciaires auxquels selon lui, « presque tous les jeunes racisés font face ». Il continue sur une lancée plus optimiste : « Je n’ai pas eu la chance de naître à Hampstead ou à Westmount dans une famille aisée. C’était dur pour moi, mon parcours n’était pas semé de fleurs ou rempli d’arcs-en-ciel. Malgré tout, je trouve en chaque jour la beauté pour devenir une meilleure version de moi ».
MC Converse lui a permis de s’exprimer à travers un projet commun en relatant la réalité d’un jeune de quartier avec la force du rap. « Les rimes, les patterns, le style d’écriture… C’est important lorsqu’on veut s’exprimer de la bonne manière et toucher plus fortement les gens qui nous écoutent », ajoute-t-il, inspiré.
« Je m’exprime pour les autres qui n’ont pas de voix, ou pour qui la voix est plus difficile à entendre. C’est mon mandat ».
Enomis, ou Simone à l’envers
« Si c’est pas pour ma vie, c’est au moins par passion que je dois faire de la musique », commence Simone Beaulieu-Cloutier, aussi connue sous son nom de scène Enomis. Cette passion pour l’écriture, d’abord personnelle puis nécessaire pour elle, l’a poussée à entrer dans l’univers du rap et du rap chanté. Jeune montréalaise à peine âgée de 18 ans, Enomis qualifie cette musique comme étant son « safe space » personnel venu la sauver à plusieurs occasions dans sa vie.
Dans son couplet du morceau produit par La Converse, Enomis évoque beaucoup la différence et comment celle-ci peut être utilisée comme une force plutôt que comme une faiblesse pour tout le monde. « Il faut être soi-même. Tout le monde fait son chemin, mais j’observe aussi que beaucoup se jugent entre eux au premier regard, sans même nécessairement se connaître. J’ai écrit ce couplet car, veut-veut pas, on se catégorise beaucoup entre individus », entame-t-elle. Son désir de réconforter les jeunes et les encourager à être honnêtes envers eux-mêmes et leurs passions a inspiré l'écriture de son couplet.
Si les paroles d’Enomis dans la chanson peuvent être perçues différemment selon qui l’écoute, pour elle, c’est une question très personnelle. « Ça fait deux ans déjà que je suis en train de guérir de l’anorexie. C’est quelque chose qui se vit beaucoup chez les jeunes avec l’arrivée des réseaux sociaux, c’est un struggle et un sujet très sensible », nous confie-t-elle. Ayant vécu un processus très difficile sur son chemin de rétablissement, la jeune artiste s’inspire de son propre vécu pour sensibiliser ceux et celles qui l'écoutent et prévenir les troubles alimentaires qui touchent les plus jeunes.
« Tout ce qui touche la justice sociale m’inspire et me motive à écrire des chansons. J’essaye d’être engagée, car je pense que c’est nécessaire, du rap engagé à Montréal », conclut-elle alors.
« On n’est pas condamnés à l’échec, on est condamnés à la réussite »
C’est donc dans l’optique de donner à ces jeunes de quartiers montréalais l’opportunité de partager leurs préoccupations que ces personnalités ont joint leurs forces – mais aussi faiblesses – dans un esprit d’équipe et de communauté. À la tête de l’apprentissage et de l’aboutissement de ce projet se cache également Raccoon.
Artiste déjà à l’aise dans le monde du rap montréalais, il s’est prêté au jeu en tant que mentor d’un groupe de jeunes aspirants rappeurs et rappeuses établis depuis peu. Ainsi, ce sont cinq séances d’ateliers d’écriture et de mentorat, l’organisation et la création de La Converse grâce auxquelles les sept apprentis rappeurs et rappeuses peu ou pas expérimentés ont eu la chance de réaliser ce projet.
Lui-même étant un « Hood Hero », Raccoon comprend mieux que quiconque l’importance d’un projet comme celui-ci. « Mon objectif, c’est de transmettre ma passion des mots et de l’écriture aux plus jeunes et aux moins expérimentés que moi. À travers des ateliers d’écriture – que j’ai l’habitude de donner depuis des années dans d’autres contextes –, j’enseigne tout ce que j’ai appris et maîtrisé depuis que je baigne dans le rap », explique-t-il. Il partage aussi sa volonté de mener à terme un projet comme celui-ci : « Me rendre jusqu’au bout et avoir un résultat concret est essentiel et important. Sans ça, c’est impossible de voir comment est-ce que ça peut impacter les jeunes qui participent à ce projet. »
En lien avec son rôle de mentor, il estime que ce qui l’a poussé à prendre son rôle d’éducateur, c’est « le concept : reprendre une chanson de rap engagé et l’adapter aux réalités des jeunes de Montréal ». Pour lui, c’est aussi une opportunité de transmettre sa passion et son engagement envers ce qu’il appelle « la relève du rap montréalais ». La Converse constituait aussi selon lui une « bonne infrastructure pour réaliser cette idée ».
« Le rap, c’est du journalisme »
Écrire des lignes de rap engagé, ce n’est pas juste parler de soi, mais des autres aussi. « L’une des bases de la culture Hip-Hop, c’est de décrire des réalités et des émotions », estime Raccoon. Pour lui, il existe beaucoup de similarités entre le rap et le journalisme. « Il est important de s’en tenir aux faits. Il y a aussi toute la place du storytelling qui relie ces deux mondes! », continue-t-il. Raconter une histoire à travers des faits et des émotions peut être très informatif, peu importe le médium utilisé pour le faire.
Dans un Montréal où l’on associe encore un côté péjoratif à la notion du hood, il devient primordial de laisser s’exprimer les jeunes qui vivent et qui côtoient tous les jours des quartiers défavorisés. Les Messagers Converse ont été capables de relever le défi que La Converse leur a proposé à travers tout le processus d’écriture et d'apprentissage du rap engagé. À l’aide de leurs propres mots, ils et elles ont été capables de mettre en lumière les problèmes et les difficultés qu’ils et elles vivent, mais également ce qui les inspire au quotidien et ce qui leur permet d’aspirer au changement pour un avenir meilleur.
Les Messagers Converse parlent beaucoup de leurs propres Hood Heroes, mais n’ont peut-être pas réalisé qu’ils sont entrain eux-même de devenir ces héros aux yeux des autres.